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Analyse socio-anthropologique L’imaginaire associé au Vendredi 13 Dominique Desjeux Professeur d’ anthropologie sociale

11 avril 2012 Conférence de presse organisée par la Française des Jeux. Analyse socio-anthropologique L’imaginaire associé au Vendredi 13 Dominique Desjeux Professeur d’ anthropologie sociale à l’université Paris Descartes Sophie Alami, docteur en sociologie, directrice d’INTERLIS .

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Analyse socio-anthropologique L’imaginaire associé au Vendredi 13 Dominique Desjeux Professeur d’ anthropologie sociale

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Presentation Transcript


  1. 11 avril 2012 Conférence de presse organisée par la Française des Jeux Analyse socio-anthropologique L’imaginaire associé au Vendredi 13 Dominique Desjeux Professeur d’ anthropologie sociale à l’université Paris Descartes Sophie Alami, docteur en sociologie, directrice d’INTERLIS

  2. Préambule • Les auteurs de l’étude • Dominique Desjeux est professeur d’anthropologie sociale à la Sorbonne, Université Paris Descartes. Il est Président du Forum Jeu et Sociétés et de son conseil scientifique. Il est également Directeur du diplôme doctoral professionnel en sciences sociales et membre du CERLIS (UMR CNRS). Il est l’auteur de nombreux ouvrages dont le « Que sais-je? » sur La consommation (2006) et celui sur Les sciences sociales (2004) • Sophie Alami est docteur en sociologie, membre du conseil scientifique du Forum Jeu et Sociétés. Elle est directrice d’étude du cabinet INTERLIS et chargée de cours à l’université Paris Descartes et à l’Université catholique de l’Ouest. Sa thèse de doctorat portait sur la place du jeu dans les pratiques de loisirs des enfants à travers une enquête interculturelle conduite dans 6 pays. Elle a notamment publié avec Dominique Desjeux un « Que sais-je? » sur Les méthodes qualitatives (2009). • La collaboration entre la FDJ et l’université à travers le Forum Jeu et Sociétés • Le Forum Jeu et Sociétés est une initiative innovante de collaboration entre l’université et une entreprise initié en 2010. Sur le principe du mécénat, la FDJ finance des travaux de recherche autour du jeu à des niveaux variables, master, doctorat ou chercheurs confirmés. Page 2

  3. La transmutation et l’inversion comme principes sous-jacents 1. Résumé Un constat de départ : La FDJ constate une forte augmentation de son activité (tirage et grattage) le vendredi 13. Le questionnement : Quel est l’imaginaire collectif du vendredi 13 et en quoi participe-t-il à la modification des pratiques de jeu d’argent ? Un élément de réponse : Jouer un vendredi 13 est une pratique qui s’inscrit dans un mécanisme anthropologique ancien, celui de la transmutation du néfaste en faste grâce à des rites d’inversion. Le jeu d’argent est une des sphères d’expression actuelle de ce mécanisme qui existe dans toutes les sociétés. Jouer le vendredi 13 relève d’une pratique rituelle proche de l’animisme, dont l’enjeu est de renverser le négatif en positif. Page 3

  4. Les représentations anthropologiques : l’ambivalence de la symbolique du VENDREDI : mort et renouveau • Dans la tradition chrétienne, unimaginaire marqué par l’austérité et la mort • un jour néfaste : « le jour de la mort du Christ »1 – • mais aussi le jour ou Adam et Ève furent chassés du paradis, le jour du déluge, du massacre par Hérode des Saints Innocents, des plaies d’Égypte, de la mort de Moïse , de la Vierge… (Mozzani, 1995) • un jour de tempérance et de contrôle de soi : • Frugalité : « on ne mange pas de chair » • Contrôle du rire : « Qui rie le vendredi, pleure le dimanche (…). Je m’astreignais à ne pas rire le vendredi, à rester chez moi…. Et ça s’avérait vrai ! » • Un jour de risque de perte de contrôle de soi • Le risque de la non-maîtrise : « On rêve plus quand on mange du poisson le vendredi ». • Le signe du poisson dans le zodiaque symbolise le psychisme ténébreux par lequel on communique avec dieu ou le diable . • Il évoque le lien avec l’inconscient et donc avec le rêve. • Ne pas se contrôler, c’est se risquer à dialoguer avec des forces qui nous transcendent. • Mais également un imaginaire positif, de renouveau • Les saisons et les cycles agraires organisent le sens des jours et des dates en Europe depuis les grecs et les romains : le vendredi est associé aux différents passages du temps et des saisons • Le vendredi, du latin veneris dies ou « jour de Vénus », symbolise le passage de la mort vers la vie, de la nuit au jour, et donc le renouveau • Il symbolise l’envoûtement d’amour : Vénus est la fille du la lune et la sœur du soleil et là encore le renouveau • C’est un jour symboliquement positif • Il est associé au 6ème jour de la création des animaux, de l’homme et de la femme, dans la tradition chrétienne (Bible) et juive (Torah). • Il signifie à la fois le salut et la rédemption. • C’est un jour positif de rassemblement de la communauté • Le vendredi est le jour du rassemblement chez les musulmans • Le shabat commence le vendredi soir chez les juifs • Pour les chrétiens c’est le dimanche Dans la tradition romaine puis chrétienne, vendredi est un jour charnière. C’est un jour ambivalent qui signifie à la fois la mort et la préparation du renouveau. Page 4 1 Les termes en italiques dans ce document sont des verbatims issus de l’enquête.

  5. L’ambivalence de la symbolique du chiffre 13 :l’ambivalence du changement, entre mort et renaissance • Les représentations négatives : le 13 c’est le signe du malheur • Le chiffre 13 est le chiffre du mal • Dans la kabbale : on parle des 13 esprits du mal • Dans l’Apocalypse, le 13e chapitre est celui de la Bête (« le dragon transmet son pouvoir à la Bête ») qui est une puissance négative, dont le chiffre symbolique est 666 • Le 13 symbolise le recommencement mais au sens négatif de l’éternelle répétition des choses pénibles comme le mythe de Sisyphe et celui du tonneau des danaïdes) • La représentation la plus célèbre du 13 comme signe de malheur est la Cène du jeudi saint pour les chrétiens et ses 13 convives : le Christ + 12 apôtres, dont un traitre Judas Iscariote qui provoque sa mort le vendredi • La Passion, le vendredi saint est le 13e jour de la lune (Mozzani, 1995) • Ceci « explique « « L’absence du chiffre 13 dans les hôtels, les avions, les immeubles aux États-Unis » - « ne pas être 13 à table » • Les représentations positives : le recommencement • Le chiffre 13 est un signe de déséquilibre des rapports dans le monde et donc de renouveau : • 12 (symbole de l’équilibre, de l’accomplissement et de l’achèvement du cycle) • plus 1 (symbole de renaissance) • (Chevalier, Gheerbrandt, 1989) • Au tarot, le 13 symbolise la mort mais envisagé comme un recommencement après la fin d’un cycle (12+1) (ib., 1989) • Porter « une petite médaille avec un fer à cheval marqué13 » comme porte-bonheur • peu de représentations spontanées du 13 chez les joueurs interviewés, à l’exception de la référence à Judas et à la Cène pour les plus âgés, mais la permanence d’une représentation centrée sur la puissance magique Page 5

  6. Les représentations profanes associées au vendredi 13 : une transmutation du sens du vendredi 13 • La matrice qui organisent le fond des représentations du vendredi associé au chiffre 13 sont les cycles agraires et les religions. • Dans les représentations profanes du vendredi 13, on observe une agrégation des imaginaires associés au vendredi et au 13 • pour les interviewés les plus jeunes, peut s’accompagner d’une relative « perte » de l’explication originelle. • Cette agrégation s’accompagne d’une transmutation du sens du vendredi 13 • ce jour est « transmuté », transformé, et se voit conféré un pouvoir « magique » de renversement de l’ordre social. • Ce mécanisme mobilise la puissance des représentations négatives associées au vendredi 13 pour conjurer le sort et vivifier l’imaginaire positif, celui du renouveau. • Le vendredi 13 est réinterprété et réinvesti, dans une pratique quotidienne « moderne », le jeu de grattage ou de tirage : • Pour conjurer la malchance on mobilise des signes considérés comme néfastes : on jour le vendredi 13 qui cumule deux sens néfastes pour augmenter la chance • C’est un dispositif magico-religieux ancien qui correspond à ce qu’on appelle un rituel d’inversion qui permet de transmuter le négatif en positif Page 6

  7. La transmutation comme principe sous-jacent Une enquête exploratoire réalisée en mars 2012 2. Méthodologie de l’enquête exploratoire • Pour les participants à la réunion de groupe : • Une diversité de niveau d’instruction : du niveau fin de collège (3e) à bac + 5 • Une diversité de professions : étudiant en médecine, fleuriste, architecte, assistante comptable, auxiliaire de vie, réalisatrice, vendeuse, courtier d’assurance, officier de police, retraitée de l’APHP • Une diversité de situation familiale : 1 célibataire vivant chez ses parents, 1 célibataire, 2 familles monoparentales, 2 personnes vivant en couple, 4 personnes vivant en couple avec des enfants Page 7 • Technique de recueil de données : 1 réunion de groupe (10 participants) et 6 entretiens exploratoires • Population interviewée :

  8. Les représentations profanes du vendredi 13 aujourd’hui les associations spontanées et techniques projectives d’un groupe d e joueurs • Une dimension funeste • La mort • « gore » – « meurtres » – « tombes » – « sang » « massacre » – « moyen-âge » – « Saint Barthélémy » - « un corbillard » • Le danger, le désordre • films d’horreur avec tueur en série et folie meurtrière : « la série des 8 opus du film Halloween » (1978 – 2009) ; « Vendredi 13 » (1980) ; « Freddy » • des musiques « de suspense », « dramatiques», « inquiétantes » - « Le vendredi 13, ça sert à : être prudent, à angoisser, à dépenser de l’argent  » - « même si on n’y crois pas, on ne sautera pas à l’élastique ce jour là / on ne fera pas un truc dangereux ce jour là » • « (Ça m’évoque), le Heavy métal (…) ça crie fort » (…) une musique pas harmonieuse » • Le diable : • « Mystique » - « gothique » « satanique » – « laBête » (cf. Apocalypse, chapitre 13) – « 666 » ou « renversé avec le 99 » • Le dimension positive de recommencement et de rassemblement • Un jour faste : le « jour de ma naissance », le « jour où j’ai eu mon appartement » • Le changement : • « Le vendredi 13, ça sert à : espérer, rêver, à changer de vie, à vivre, à envoyer chier son patron » - « ça porte bonheur » • « La grosse cagnotte » qui fait que « c’est un jour où on peut TOUT changer ! » • « (Ça m’évoque) le printemps de Vivaldi , une musique mystérieuse, où l’on attend un changement, une musique joyeuse, entraînante, excitante » - « l’adrénaline, l’excitation » - une « musique joyeuse » • « La DS de Fantômas, une voiture qui peut se métamorphoser, un double personnage plutôt gentil (…) quelque chose va arriver (mais qui reste) incertain » • La fortune : « la richesse » - « le luxe » - « lavoiture de sport » • Lafête • Le collectif : « (Ça m’évoque) une musique folklorique qui réunit les gens » Page 8

  9. Le vendredi 13 : une transgression symbolique pour tenter de transcender le quotidien • Le rite d’inversion est un dispositif de négation de l’ordre social qui participe à la préservation de l’ordre, voire à son renforcement. C’est une pratique de « désordre » symbolique de l’ordre social qui permet le maintien de l’ordre. • Exemple : le carnaval • Jouer à un jeu d’argent un vendredi 13 semble s’inscrire dans un dispositif similaire où le temps clos du rituel du vendredi 13 est l’occasion d’une pratique qui vise à tenter l’inversion de l’ordre social. • La « force » de cet acte de « rébellion » est amplifié par sa ritualisation : • « Gratter dans un sens toujours identique, avec le même objet,… » ; « Protéger le secret du choix »; « Jouer dans le même tabac » ; « toujours jouer les mêmes chiffres  » ; « Jouer à plusieurs » ;…. • C’est une pratique qui participe à « créer de l’illusion », celui de la possibilité de bouleverser son destin, et en même temps qui « désillusionne » par le maintien de l’ordre social qui lui succède quand on perd. • Le vendredi 13 devient un dispositif symbolique de « perturbation d’un plan divin » dans le sens d’une puissance qui peut distribuer le bonheur ou le malheur. • Ce pouvoir perturbateur « introduit la possibilité de ne pas être totalement assujetti à la nécessité du destin et à la force des pouvoirs » (Balandier, 1980). Il incarne, le temps d’une journée, la libération humaine des « forces qui nous gouvernent ». • Cette perturbation/ inversion/contestation est proche des messes noires avec l’inversion du Christ avec la tête en bas ou l’utilisation de la main gauche dans certaines pratiques du quotidien • Le vendredi 13 est ambivalent car il concentre un aspect bénéfique (enchanter le destin individuel) et un aspect maléfique (le pouvoir de nuire). C’est cette ambivalence qui le situe dans le registre des croyances magiques. • L’ambiance du vendredi 13 est : « mystique » – « bizarre » – « intrigante » – • « On s’attend à quelque chose »  - « On attend le destin ! ». Page 9

  10. Conclusion : Le vendredi 13 : une inversion des forces négatives pour contrer le destin • Une dynamique centrale : la mobilisation de la forte charge négative du vendredi 13 dans un processus d’inversion pour « forcer » le destin et « appeler » la chance. Dans « l’alchimie mentale du hasard, le bon et le mauvais se confondent, le néfaste se transmue en faste » (Besnard, 1989) • Dans la magie et la kabbale, « quand c’est très négatif, ça devient une chance » • « C’est la pulsion de mort et la pulsion de vie : quand c’est tellement négatif, ça peut devenir positif » (psychanalyste) • « (…) vu que c’est un jour de malchance à la base, pour conjurer le mauvais sort, on va essayer de tenter sa chance » -  « 2 euros et le destin peut être bouleversé ! » • Une incidence sur les pratiques de jeu d’une partie des individus : • Augmentation de la mise habituelle :« je joue plus d’argent le vendredi 13 » • Participation à un jeux de tirage (Loto / Euro Millions) ce jour là alors que ce n’est pas une pratique habituelle • Occasion exceptionnelle de jeu pour des non-joueurs • Une pratique qui est décrite selon deux modalités : • une réelle croyance superstitieuse • Une attitude pragmatique de personnes qui se disent « autant tenter ce jour là (car) il y a plus à gagner » Page 10

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