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Pascal et Descartes : la tradition spiritualiste. Locke, Hume et Freud : l’empirisme et le matérialisme. (Chopin, extrait de la Ballade opus 23 en sol mineur).
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Pascal et Descartes : la tradition spiritualiste Locke, Hume et Freud : l’empirisme et le matérialisme (Chopin, extrait de la Ballade opus 23 en sol mineur)
Quand le dentiste vous arrache une dent, vous n’avez pas l’impression d’être une personne différente avant et après l’intervention. C’est que vous ne pensez pas qu’une dent soit une partie essentiellede votre être. • S’il vous arrivait par malheur de perdre une jambe, un bras, un œil ou les deux, lorsque vous vous retrouveriez mutilé ou handicapé, vous seriez toujours vous-même mais vous pourriez être affecté au point que votre caractère change. • Exercice : Resteriez vous vous-même après la transplantation d’un cœur de porc en lieu et place de votre cœur ? Pourquoi ?
Imaginez que vous vous réveilliez un beau matin dans le corps d’un autre en ayant conservé toutefois votre cerveau. Vous voulez embrasser votre mère mais elle ne vous reconnaît pas. Quel cauchemar ! • Imaginez l’inverse : un chirurgien de science fiction a réussi la transplantation dans votre boîte crânienne du cerveau intact d’un jeune homme décédé. Qui se réveille après l’opération ?
Les philosophes distinguent les caractéristiques substantielles et les caractéristiques accidentelles d’un objet. • On peut dire aussi qu’une qualité est accidentelle si elle n’est pas essentielle. • L’ « essence* » est la définition précise d’un être, ce sans quoi il ne serait pas lui-même. • C’est ce qui conduit Pascal à se demander ce que nous sommes essentiellement.
« Je puis bien concevoir un homme sans mains, pieds, tête (car ce n'est que l'expérience qui nous apprend que la tête est plus nécessaire que les pieds). Mais je ne puis concevoir l'homme sans pensée: ce serait une pierre ou une brute. L'homme n'est qu'un roseau, le plus faible de la nature ; mais c'est un roseau pensant. Il ne faut pas que l'univers entier s'arme pour l'écraser: une vapeur, une goutte d'eau, suffit pour le tuer. Mais, quand l'univers l'écraserait, l'homme serait encore plus noble que ce qui le tue, parce qu'il sait qu'il meurt, et l'avantage que l'univers a sur lui, l'univers n'en sait rien. » « Toute notre dignité consiste donc en la pensée. » Pensées, Gallimard, Pléiade, 1976, pp. 1156-1157.
On peut donc dire que l’essence de cet étrange objet qu’est le moi, ce sont mes pensées, mes idées, mes souvenirs, mes sensations, tout ce dont je puis être, à un moment ou à un autre, conscient. • Pour Descartes, la pensée consciente est identique à ce que le christianisme appelle l’âme.
Descartes voudrait construire une philosophie sur le modèle de la géométrie euclidienne : partant de certitudes absolues (les axiomes* des géomètres acceptés sans démonstration comme évidents), on pourrait progresser par déductions rigoureuses.
Nous nous sommes tous déjàtrompés… Exercice : Proposez un exemple personnel pour chacune de ces sources d’erreurs.
Selon Descartes (Cf. texte 7), je peux douter : • de ce que les autres me disent, • de ce que je vois, de ce que j’entends, du monde extérieur, • de ce que j’ai en mémoire, • de mes sensations internes • Lorsque je rêve, je suis certain de vivre la réalité. Et si ce que je pense être la réalité n’était qu’un rêve ? Il y a cependant une chose dont je ne puis pas douter, c’est que je pense et si je pense, c’est bien que j’existe.
« (...) Je pris garde que, pendant que je voulais ainsi penser que tout était faux, il fallait nécessairement que moi, qui le pensais, fusse quelque chose. Et remarquant que cette vérité : je pense donc je suis, était si ferme et si assurée que toutes les plus extravagantes suppositions des sceptiques* ne pouvaient l’ébranler, je jugeai que je pouvais la recevoir sans scrupule pour le premier principe de la philosophie que je cherchais. » Discours de la Méthode, IVepartie, 1637. Descartes a trouvé l’axiome* de sa philosophie. Exercice : les mathématiques sont-elles pour vous un modèle absolu de vérité ? Interrogez votre professeur de mathématiques à propos de la pluralité des géométries.
Le spiritualisme* cartésien • Je peux douter de tout sauf de ma propre pensée. • Il s’ensuit pour Descartes que, même si rien n’existait, ma pensée (mon esprit, mon âme) existerait encore. • Il y a donc une réalité spirituelle (spiritus = esprit) complètement indépendante de la réalité matérielle. Nous trouvons ici un exemple caractéristique de dualisme* philosophique.
« Puis, examinant avec attention ce que j'étais, et voyant que je pouvais feindre que je n'avais aucun corps et qu'il n'y avait aucun monde ni aucun lieu où je fusse, mais que je ne pouvais pas feindre pour cela que je n'étais point, et qu'au contraire, de cela même que je pensais à douter de la vérité des autres choses, il suivait très évidemment et très certainement que j'étais, au lieu que, si j'eusse seulement cessé de penser, encore que tout le reste de ce que j'avais jamais imaginé eût été vrai, je n'avais aucune raison de croire que j'eusse été, je connus de là que j'étais une substance dont toute l'essence ou la nature n'est que de penser, et qui pour être n'a besoin d'aucun lieu ni ne dépend d'aucune chose matérielle ; en sorte que ce moi, c'est-à-dire l'âme, par laquelle je suis ce que je suis, est entièrement distincte du corps, et même qu'elle est plus aisée à connaître que lui et qu'encore qu'il ne fût point, elle ne laisserait pas d'être tout ce qu'elle est. » Discours de la Méthode, IVe partie, 1637.
Nous admettrons avec Descartes qu’il serait absurde de douter de notre propre existence. • Cependant, le raisonnement qui établit l’indépendance de la pensée par rapport à la matière n’est pas concluant.C’est un paralogisme* : • Descartes affirme : Je pense alors même que rien n’existe. • Il devrait se contenter de dire : Je pense alors même que j’imagine que rien n’existe. • Car si rien n’existait, n’ayant aucun cerveau, je ne pourrais évidemment pas penser que rien n’existe. * Faux raisonnement, fait de bonne foi (par oppos. à sophisme*); argument fallacieux.
Texte 9 : J. O. de la Mettrie, p. 5 (Saint-Malo 1709 - Berlin 1751) Médecin et philosophe français. Son matérialisme et la remise en cause des valeurs morales qui en découle firent scandale ; il trouva refuge en Prusse auprès de Frédéric II (l'Homme-machine, 1748). « Je crois lapensée si peu incompatible avec la matière organisée qu'elle semble en être une propriété, telle que l'électricité, la faculté motrice, l'impénétrabilité, l'étendue, etc. » Julien Offray de La Mettrie , L'Homme-machine, 1748
Texte : Du cerveau à l’esprit « Le but des neurosciences est d'expliquer comment fonctionne le cerveau et de répondre à terme à la question : comment de la matière vivante parvient-elle à produire de la pensée ? Poser ainsi la question, c'est déjà admettre que c'est bien le cerveau qui produit les idées. Et, de fait, cette optique matérialiste est aujourd'hui partagée par l'immense majorité des philosophes et des scientifiques. Tous admettent que la pensée est inscrite dans le cerveau, que les idées s'expriment par le biais d'interconnexions neuronales. On refuse de croire aujourd'hui au dualisme, à l'existence de deux mondes séparés : d'un côté l'esprit, de l'autre la matière, comme le pensait Descartes. » Dornier, J.F. in « Philosophies de notre temps », p. 229 • Selon l’auteur de ce texte, peut-on dire que les scientifiques actuels sont matérialistes ? Êtes-vous d’accord ? • De nos jours, quelles institutions défendent le dualisme et le spiritualisme ?
Ce que nous pensons est le résultat de l’activité de notre cerveau qui produit des idées. Mais d’où celui-ci tire-t-il la matière première de nos idées ? • Toutes nos idées proviennent à la base de nos organes des sens qui nourrissent le cerveau de perceptions. C’est la conviction des empiristes. • Être conscient de soi, c’est toujours avoir une perception, une sensation interne ou externe. Sans corps, et donc sans perceptions, nous ne pourrions avoir une conscience.
Préparons le commentaire du texte de John Locke • Lisez le texte attentivement en marquant les concepts essentiels à l’argumentation de l’auteur; • Résumez l’argumentation par écrit sans garder le texte sous les yeux ; • Formulez une thèse contraire à celle de l’auteur ; • Donnez votre avis et justifiez-le par des exemples des observations personnels.
Texte : John LOCKE, p. 8. « La première chose qui se présente à examiner, c'est : Comment l'homme vient à avoir toutes ces idées ? Je sais que c'est un sentiment généralement établi, que tous les hommes ont des idées innées, certains caractères originaux qui ont été gravés dans leur âme, dès le premier moment de leur existence. Supposons donc qu'au commencement l'âme est ce qu'on appelle une table rase, vide de tous caractères, sans aucune idée, quelle qu'elle soit. Comment vient-elle à recevoir des idées?(...) D'où puise-t-elle tous ces matériaux qui sont comme le fond de tous ses raisonnements et de toutes ses connaissances? À cela je réponds en un mot, de l'expérience: c'est là le fondement de toutes nos connaissances, et c'est de là qu'elles tirent leur première origine. Les observations que nous faisons sur les objets extérieurs et sensibles, ou sur les opérations intérieures de notre âme, que nous apercevons et sur lesquelles nous réfléchissons nous-mêmes, fournissent à notre esprit les matériaux de toutes ses pensées. Ce sont là les deux sources d'où découlent toutes les idées que nous avons, ou que nous pouvons avoir naturellement. » Essai philosophique concernant l'entendement humain, 1690
Philosophe écossais qui est probablement le représentant le plus illustre du scepticisme* en philosophie. • Pour Hume, tous nos jugements rationnels sont des associations entre les perceptions successives auxquelles nos organes des sens nous donnent accès. Nous retrouverons cette idée dans le chapitre consacré à la connaissance. • Dans le texte suivant, le philosophe en tire toutes les conséquences pour ce qui concerne le moi, ou la personne. De nous-mêmes, nous ne pouvons effectivement connaître que ce qui résulte de sensations ou de perceptions internes ou externes.
Texte : David HUME, p. 3. «Pour ma part, quand je pénètre le plus intimement dans ce que j'appelle moi, je bute toujours sur une perception particulière ou sur une autre, de chaud ou de froid, de lumière ou d'ombre, d'amour ou de haine, de douleur ou de plaisir. Je ne peux jamais me saisir, moi, en aucun moment sans une perception et je ne peux rien observer que la perception. Quand mes perceptions sont écartées pour un temps, comme par un sommeil tranquille, aussi longtemps, je n'ai plus conscience de moi et on peut dire vraiment que je n'existe pas. Si toutes mes perceptions étaient supprimées par la mort et que je ne puisse ni penser, ni sentir, ni voir, ni aimer, ni haïr après la dissolution de mon corps, je serais entièrement annihilé et je ne conçois pas ce qu'il faudrait de plus pour faire de moi un parfait néant. Si quelqu'un pense, après une réflexion sérieuse et impartiale, qu'il a, de lui-même, une connaissance différente, il me faut l'avouer, je ne peux raisonner plus longtemps avec lui. » Traité de la nature humaine, 1739
Le matérialisme est une conviction métaphysique* (il n’y a qu’une seule réalité, i.e. la matière) naturellement liée à une théorie de la connaissance empiriste. • Pour un spiritualiste comme Descartes, au contraire, certaines idées sont de la pensée pure. Nous n’avons jamais, par exemple, fait l’expérience de Dieu mais nous en avons l’idée. L’idée de Dieu est innée*. • Exercice : Selon vous, que pourrait répondre à cela un matérialiste ?
Le matérialiste-empiriste pense que notre idée de Dieu n’est pas innée. Elle provient des représentations que les adultes nous en ont proposées depuis notre tendre enfance et c’est pourquoi elle varie selon les cultures. • De la même façon, nous avons forgé les idées d’un cyclope ou d’une sirène sans que nous puissions avoir une expérience directe d’êtres de cette nature. Exercice : « Si quelqu’un est matérialiste, il sera nécessairement empiriste. En revanche, un empiriste n’est pas nécessairement un matérialiste. » Discutez.
Texte : Daniel DennettL’héritage du célèbre dualisme cartésien Il est impossible de me séparer de mon corps en laissant une tranche bien nette, contrairement à ce qu'ont pu penser un grand nombre de philosophes. Mon corps contient autant de moi que n'en contient mon système nerveux : autant de valeurs, de talents, de mémoire, de dispositions qui font de moi ce que je suis. L'héritage du célèbre dualisme cartésien de l'âme et du corps s'étend bien au-delà des cercles académiques pour toucher la pensée quotidienne : « Ces athlètes sont prêts, aussi bien mentalement que physiquement », ou « Ton corps marche parfaitement — c'est dans ton esprit que ça se passe ». Même parmi ceux d'entre nous qui s'opposent au dualisme cartésien, il existe une tendance manifeste à considérer l'esprit (c'est-à-dire le cerveau) comme le patron du corps, le pilote dans le navire. Quand nous nous laissons séduire par cette opinion courante, nous oublions cette autre voie, combien importante : on peut considérer le cerveau (et par conséquent l'esprit) comme un organe parmi d'autres, un usurpateur qui se charge de la régulation depuis une date assez récente, et dont on pourra comprendre le fonctionnement quand on ne verra plus en lui le patron, mais simplement un des multiples serviteurs travaillant à servir les intérêts de ce corps qui le protège et le nourrit, et donne du sens à ses activités. DENNETT, Daniel, La diversité des esprits, Paris : Hachette, 1998, pages 106 – 107.
La question de la pensée animale est un autre objet de dispute entre matérialistes et spiritualistes. • Pour des motifs religieux, il est hors de question dans notre culture judéo-chrétienne d’accorder une âme aux bêtes. • Si, comme Descartes, nous assimilons l’âme et la pensée, nous serons alors logiquement conduits à nier que les animaux pensent. • Pour beaucoup de matérialistes, les hommes ne sont cependant pas autre chose que des animaux ayant bénéficié d’un développement cérébral particulier qui a permis à l’espèce humaine de conquérir la planète.
De l’intelligence ou de la pensée ? Exercice : Observez les volatiles du film. En quoi leur comportement démontre-t-il une capacité à penser ? Cliquez ici voir le film
Thèses du rationalisme spiritualiste : Bien qu’ils soient pourvus d’organes des sens pareils aux nôtres, les animaux, n’ayant pas d’âme, ne sont pas doté de la faculté de penser rationnellement et de délibérer. Pour Descartes, les animaux sont des machines réagissant à leurs émotions ou à leurs passions*. Les animaux sont incapables de parler « à propos ». Ils émettent des bruits qui ne sont que des réactions aux émotions. Le rêve n’est pas de la pensée. Thèses de l’empirisme matérialiste : Les animaux possèdent un cerveau qui traite les informations des organes des sens. On peut donc dire qu’ils pensent. Le cerveau humain est sans doute particulièrement performant mais il ne fonctionne pas selon des principes différents des cerveaux d’autres espèces animales. Les animaux ont un langage même s’ils n’ont pas la parole. Les animaux rêvent et le rêve est bien une forme de pensée. Exercice : imaginez un dialogue entre un proposant persuadé que les animaux ne pensent pas et un opposant qui tente de le convaincre du contraire.
La pensée se limite-t-elle à la pensée consciente ? • À l’époque de Descartes, une expression telle que « pensée inconsciente » aurait été perçue comme une contradiction dans les termes.* • Pourtant, le cerveau élabore des idées à notre insu. L’opinion est aujourd’hui généralement acceptée que les pensées conscientes ne constituent que la partie visible d’un iceberg figurant la totalité de l’activité mentale dont la plus grande partie resterait immergée.
Freud (1856 – 1939) va montrer que notre pensée (nos croyances, nos émotions, nos raisonnements, notre imagination…) n’est pas seulement le résultat de délibérations conscientes. Notre vie psychique* dépend largement de motifs inconscients. • Nous trouvons des traces de l’inconscient dans les rêves, les actes manqués ou les lapsus. • Le psychanalyste tente d’exhumer les éléments inconscients qui perturbent notre vie psychique et sont à la base des névroses*.
« Pour bien comprendre la vie psychique, il est indispensable de cesser de surestimer la conscience. Il faut(...) voir dans l'inconscient le fond de toute vie psychique. L'inconscient est pareil à un grand cercle qui enfermerait le conscient comme un cercle plus petit. Il ne peut y avoir de fait conscient sans stade antérieur inconscient, tandis que l'inconscient peut se passer de stade conscient et avoir cependant une valeur psychique. L'inconscient est le psychique lui-même et son essentielle réalité. Sanature intime nous est aussi inconnue que la réalité du monde extérieur, et la conscience nous renseigne sur lui d'une manière aussi incomplète que nos organes des sens sur le monde extérieur. » • L'interprétation des rêves, trad. I. Meyerson, PUF, 1971, pp.519-520. Exercice : Expliquez en la développant l’analogie que propose Freud entre la conscience et les organes des sens.
Freud souligne que le moi conscient n’est qu’une petite partie de la personne qui est aussi déterminée par toutes les forces de l’inconscient (le « ça ») ainsi que par l’ensemble des pressions sociales intériorisées (le « sur-moi »). • « Que veut le psychanalyste, en effet ? Ramener à la surface de la conscience tout ce qui en a été refoulé. Or chacun de nous a refoulé beaucoup de choses que nous maintenons peut-être avec peine dans notre inconscient. » Cinq leçons sur la psychanalyse
Quand nous réfléchissons à ce que nous sommes, nous nous trouvons toujours au carrefour de différentes dimensions : notre apparence physique, nos perceptions et nos sensations, nos intentions et nos projets, notre raison, nos pulsions instinctives, nos impulsions et nos désirs, les sociétés dont nous sommes membres et les langues que nous avons apprises, notre histoire et nos rapports avec autrui. • Tous ces facteurs constituent un individu unique, une personne. • La fameuse injonction inscrite au fronton du temple de Delphes « Connais-toi toi-même ! » dont Socrate avait fait sa devise sera sans doute toujours un objectif idéal en même temps qu’une tâche perpétuellement inachevée pour les philosophes de toutes les époques. (Scarlatti, extrait de la Fugue du chat, en sol mineur K 30)
Fin du premier chapitre Klaus Nomi Cold Song