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Les femmes en guerre. Quelle place pour ce thème dans les nouveaux programmes au Collège et au Lycée ?.
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Les femmes en guerre Quelle place pour ce thème dans les nouveaux programmes au Collège et au Lycée ? Danielle LE PRADO-MADAULE
Cette couverture de l’Express, parue en 2011 choisit d’illustrer un conflit actuel par une image de combattante déterminée. Ce n’est pas cette représentation de la femme guerrière qui domine dans nos programmes mais il est nécessaire d’ en montrer à travers eux la construction progressive. • Les grands conflits du XXe siècle sont abordés au collège en classe de 3ème et au lycée en classe de première et terminale. Le thème de la guerre est certes présent dans les autres classes mais il n’est pas abordé pour lui-même. La guerre est intégrée à des problématiques plus vastes : féodalité, construction de l’état monarchique, évolution du processus révolutionnaire, colonisation etc. Problématiques qui ne permettent pas dans le temps imparti à l’enseignant de se consacrer à un type d’acteurs en particulier même si la figure de la « guerrière » peut être parfois une entrée pédagogique intéressante : par exemple, le personnage de Jeanne d’Arc pour traiter du renforcement du pouvoir monarchique au moyen –âge en classe de 5ème. • En 3ème, seule l’étude des deux guerres mondiales autorisent un éclairage de la situation et de la place des femmes dans la guerre (l’approche de la guerre froide et des conflits du second XXe siècle étant strictement géopolitique). En Terminale, l’étude d’un foyer de conflits (le Moyen Orient) relève essentiellement de la même approche. Le nouveau programme de première, en revanche, qui invite à une réflexion globale sur la guerre au XXe siècle, est tout à fait propice à mettre en évidence la place et le rôle des femmes dans la guerre. D’autant qu’une question du programme est consacrée à la place de femme dans la République en France et que des croisements sont possibles.
En 3ème, les professeurs sont invités à caractériser la violence de masse du premier conflit mondial à partir de deux exemples (la guerre des tranchées et le génocide des arméniens), puis à étudier à travers une grande bataille de la Seconde Guerre mondiale et les différentes modalités d’extermination (action des Einsatzgruppen, un exemple de camp de la mort) la radicalisation de cette violence par la mobilisation de toutes les forces matérielles et morales des belligérants. L’ambition est modeste, mais il s’agit bien d’une démarche qui privilégie le vécu de la guerre au sein de laquelle le sort des femmes a toute sa place. • En première, pour chaque conflit, la guerre est abordée en privilégiant la place des hommeset en s’interrogeant, à partir du sort réservé aux combattants et aux populations, sur les transformations de la nature de la guerre.L’objectif est donc de montrer comment l’expérience de la « violence de guerre » porte en elle les germes de la transformation des sociétés et des rapports qu’elles entretiennent à l’État. Dans ce cadre aussi, le sort des femmes peut être une entrée intéressante.
I- L’étude des deux conflits mondiaux étant centrée sur les logiques de guerre totale et de guerre d’anéantissement, elle conduit inévitablement à montrer en premier lieu les femmes victimes des conflits. Sur cette image de propagande anti-allemande, la femme apparaît comme une victime symbolique. La fragilité de la vie anéantie par la barbarie. Mais les femmes sont victimes de toutes les formes de violences de masse. Torpillage du Lusitania. 1915
Il est nécessaire d’évoquer les violences particulières faites aux femmes autant que la maturité des élèves le permet : le viol et l’humiliation des femmes sont des réalités des deux conflits mondiaux comme de tous les conflits du XXe siècle. • Les conflits africains récents ont montré que le viol systématique était utilisé comme une arme de guerre à la fin du XXe siècle comme il le fut au cours du moyen-âge. • Il importe de travailler sur des documents qui amènent les élèves à réfléchir sur la place de ce type de violence dans la stratégie des belligérants et sur l’attitude de la société face à celles qui en sont victimes : images de propagande, témoignages.
« Ma maman » - 1916 Lithographie d’Able Faivre 1qui appartient à la propagande sur les atrocités allemandes.
Journal anonyme d’une berlinoise dans la ville occupée par les soviétiques. 20 avril-22 juin 1945 publié en 1954.
La femme est aussi une figure de l’attente qui l’on retrouve dans les deux conflits mondiaux : • C’est l’épouse, la mère, le « soutien du guerrier » : le sacrifice silencieux, pendant du rôle de l’homme protecteur de la famille. • Cette figure du foyer indispensable au moral du soldat, la femme qui donne son homme, son fils à la nation est celle que célèbre la journée des mères.
Veuve et orpheline 1919 Cette figure de l’attente est également la figure du deuil qu’incarne particulièrement la veuve de guerre après le premier conflit mondial.
La femme victime et mais porteuse de vie, peut devenir aussi le symbole de la souffrance et de la renaissance collective. La libération de la France ou la Marianne aux stigmates. Paul Colin 1944.
Ces différents visages de la femme victime de guerre se retrouvent tous lors des conflits localisés du second XXe siècle. L’évolution des formes de la guerre ne change rien aux violences faites aux femmes. Guerre du Vietnam.
II- Les programmes permettent néanmoins d’évoquer les femmes actrices des conflits, dans leurs différents engagements, qu’ils soient obligés ou volontaires. D’autres figures s’imposent alors. Le 7 août 1914, Viviani, le président du Conseil, qui songe à une guerre courte, fait appel aux femmes pour qu'elles achèvent la moisson puis qu'elles entreprennent les travaux de l'automne.. « Debout, femmes françaises, jeunes enfants, filles et fils de la patrie.Remplacez sur le champ de travail ceux qui sont sur le champ de bataille.Préparez-vous à leur montrer, demain, la terre cultivée, les récoltes rentrées, les champs ensemencés !Il n'y a pas, dans ces heures graves, de labeur infime.Tout est grand qui sert le pays.Debout ! A l'action ! A l'oeuvre !Il y aura demain de la gloire pour tout le monde ». Une affiche commémorative de 1918 lui fait écho.
Celles qui remplacent les hommes partis au combat : Femmes dans une usine d’obus 1916
Celles qui soulagent les combattants Infirmières Première et Seconde Guerres mondiales
La seconde guerre mondiale fait émerger davantage la figure de la combattante qui s’affirme pendant les conflits du second XXe siècle. • Il est intéressant de montrer aux élèves la diversité de ces participations actives aux combats.
Les résistantes Lucie Aubrac – Lise le Bourlot, maquis Daniel, Morvan
Les soldates The Women’s army corps. 1942.
Lydia Litvak ( 1921-1943) « La rose blanche de Stalingrad » et Natalia Melkin ( 1922-2005) Pilotes et héroines soviétiques.
Il est important également d’évoquer celles qui se sont impliquées activement dans la barbarie nazie : les gardiennes des camps, les femmes qui ont au processus génocidaire. 10% du personnel des camps d’après l’historienne Wendy Lower. Personnel des camps de concentration.
La question du rôle des femmes dans cette nouvelle forme de guerre qu’est le terrorisme doit aussi être abordée. Il est une des manifestations de la «femme combattante » dans le cadre des « nouvelles conflictualités » • S’il y a peu de femmes à l’origine des attentats, ce statut de terroriste - martyr est revendiqué par certaines femmes dans le cadre des conflits du proche et moyen orient, notamment. • Il n’existe pas de données chiffrées et peu de documents fiables pour traiter de cette question. Cette image de la femme est largement exploitée par la propagande qui vise à encourager ou à lutter contre le terrorisme.
Autre figure de femme engagée dans les conflits : Le témoin, le reporter de guerre. Deux grands reporters dont les œuvres et les parcours peuvent être des entrées pertinentes pour traiter la question Lee Miller en 1945 Margaret Bourke- White : autoportrait 1943
Mata Hari Louise de Bettignies Une dernière figure de combattante est de tous les conflits : une figure mystérieuse et fantasmatique : celle de l’espionne dont le cinéma s’est largement emparée. L’action et le destin de Louise de Bettignies, la « jeanne d’Arc du Nord » peuvent permettre de donner une réalité concrète à l’engagement de ces femmes.
Cette présentation de la place et du rôle des femmes dans la guerre doit permettre de poser avec les élèves quelques questions de fond : • L’impact de la guerre sur la condition économique des femmes : le retour imposé au foyer dans les années 20, le maintien à la maison pendant le second conflit mondial montre que la féminisation de la population active tient davantage à des nécessités économiques qu’aux conséquences des conflits. • L’impact de la guerre sur l’évolution des droits politiques des femmes : les débats autour du droit de vote aux lendemains de la première guerre mondiale, finalement obtenu en 1944, le peu de changement dans leur participation effective à la vie politique en France notamment. • Les relations complexes entre situation de guerre et natalité : la faiblesse de la reprise des années 20, malgré une législation « nataliste », la surprise de la reprise de 1942, dans le cadre de l’idéologie nataliste de Vichy, l’ampleur et la durée du Baby Boom.
L’impact de la guerre sur l’image du corps féminin et ce qu’elle dit de la place des femmes dans la société peut également être évoqué : libération du corps, abandon des artifices, revendication de domaines et de comportements considérés comme « masculins »… Des garçonnes des années 20 à Rosy la Riveteuse dans les années 40, ce sont des stéréotypes de l’apparence et de l’attitude « féminine » qui sont remis en question.
La révolution Chanel vue par Karl Lagerfeld. Rosy « la Riveteuse »Norman Rockwell 1943
Finalement pour beaucoup de femmes hier et aujourd’hui , résister et combattre sont des nécessités pour exister. • C’est le sentiment que donne le travail du photographe Pierre Ginet qui montre des femmes exposées à des situations de conflit ou d’oppression dans le monde. • Le CHRD de Lyon lui a consacré une exposition au CHRD en 2007. Un ouvrage , Femmes en résistance, préfacé par Taslima Nasreen, vient de paraître.
Pour aller plus loin Deux ouvrages très récents : • Sophie Milquet, Madeleine Frédéric, Femmes en guerres, Éditions de l'Université de Bruxelles, coll. "Sextant", 2011. • Raphaëlle Branche, Fabrice Virgili, Viols en temps de guerre, Paris, Payot, 2011. Sur les sites, des dossiers utiles : • http://crdp.ac-reims.fr/memoire/bac/1GM/dossiers/femmes.htm • http://www.crdp-reims.fr/memoire/bac/2GM/dossiers/01femmes2gm.htm ( • http://www.fondationresistance.org/pages/action_pedag/les-femmes-resistance_dossier-thematique-4.htm